Recomposition du politique et religions

Lyon, Agora Tête d'or 2 octobre 2007
Résumé de la conférence :
Marcel Gauchet, toujours très dense dans son expression, explique comment modernité politique ( la République démocratique) et modernité religieuse s'influencent et se transforment réciproquement, ce qui contribue à réinventer la religion et à lui redonner une fonction légitime au sein de notre société démocratique. Il souligne le rôle que, dans ce contexte, les religions peuvent jouer à nouveaux frais dans l’espace social, par les réserves de mémoire vivante et de significations ultimes qu’elles constituent dans un monde « désenchanté » où les légitimations dernières de l’existence sont tues ou restent en suspens. Il s’applique enfin à tracer les grands traits de ce qu’il perçoit comme un nouveau christianisme et ceux de la situation critique où se trouve l’islam en Europe.
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Conférence mardi 2 octobre 2007 avec Marcel Gauchet Format PdF [67.2 ko ]

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À quelle recomposition du politique invite la coexistence

en Europe d’un nouveau christianisme et de l’islam ?

Cette proposition interrogative ne comporte pas moins de trois ou quatre termes très lourds : « recomposition politique », « coexistence », « nouveau christianisme » et « islam ». Je contesterai juste la syntaxe de la phrase qui présente la recomposition politique comme devant résulter de la coexistence des religions. Je crois que cette ordre causal n’est pas le bon, que nous avons à faire à des phénomènes simultanés, travaillant ensemble selon une cohérence globale. Mais pour le reste, les termes y sont. Il y a bien une recomposition du politique où la situation de coexistence des religions prend une portée et une signification inédite. Il y a bien un nouveau christianisme. Il s’agit de comprendre dans quel sens puisque, que je sache, c’est officiellement toujours le même. Il n’y a pas eu de révolution interne de la chrétienté. Enfin, la présence de l’islam sur le sol européen à une échelle de masse est source d’interrogations considérables. C’est cette situation et ces termes que je voudrais essayer de cerner donc dans leurs cohérences.

Recomposition du politique. Il faut entendre par là approfondissement et redéfinition de la démocratie depuis une trentaine d’années. Redéfinition qui a transformé les rapports entre politique et religion, entre la démocratie et les religions. Il n’est pas excessif à mon sens de parler, à propos de cette énorme phase de décantation que nous venons de traverser et dont les soubresauts se font encore sentir, d’un ultime tournant théologico-politique de la modernité. Ultime en ceci qu’il n’y a pas lieu à ce qu’il y en ait un autre après. La séparation est consommée, la répartition des sphères et des tâches paraît durablement trouvée. Si l’on résume les résultats pacificateurs de ce tournant, on peut dire : la démocratie, dans ce développement supplémentaire qu’elle vient de connaître, ne s’oppose plus aux religions. Elle leur ménage une place en son sein. Mieux, elle les relégitime dans une espèce de rôle public difficile à décrire sur la base pourtant d’une séparation stricte des religions et de l’Etat. En retour, cette situation change profondément les religions volens nolens. Elles n’ont pas choisi peut-être de changer mais le bain socio-politique dans lequel elles sont plongées les contraint de changer et dans tous les cas leur confère une place et une signification nouvelle.

C’est cette situation qui autorise à parler d’un nouveau christianisme comme nous verrons mais aussi, potentiellement, d’un nouvel islam.